Le Père Noël n'est pas forcément un enculé de sa race (partie 1 sur 4)
A écouter, sous IE
Lorsque Eric, de l’agence d’intérim, l’avait appelé au téléphone 2 semaines auparavant, Alexandre s’était demandé ce qui allait encore lui tomber sur la gueule. Après avoir été pendant 3 semaines rangeur de chocolats dans une usine de production de « bouchées à la liqueur avec une cerise à l’intérieur », il attendait avec une certaine résignation la prochaine mission qui lui permettrait de finir le mois. Sa situation financière n’était pas brillante : il avait bossé du 15 novembre au 6 décembre pour un salaire de 10 % supérieur au SMIC (en fait, il s’agissait des congés payés qui était versés à chaque mission, ce qui revenait à bosser pour le SMIC), et pendant 4 jours on ne lui avait confié aucun boulot. Et ça, il allait le sentir le mois suivant, il en était certain.
Quand Eric l’avait appelé donc, il était prêt à faire n’importe quoi. Et d’ailleurs, cette nouvelle mission c’était n’importe quoi. Le père noël attitré d’une grande surface était tombé malade, et il fallait absolument quelqu’un pour le remplacer, le plus tôt possible, l’hypermarché ne pouvant se passer de la présence du symbolique bonhomme. Alexandre avait bien sûr accepté (mais avait-il le choix ?), avait sauté dans sa voiture pour rejoindre son nouveau lieu de travail (pour 15 jours seulement) le plus vite possible, afin de faire tourner le compteur à heures payées 8,03 € + 10 % brut le plus tôt possible.
Une fois sur place, la responsable de la caisse centrale, une femme entre deux âges (enfin, une femme entre 50 et 60 ans maquillée comme une voiture volée qui semblait assez désagréable et qui avait une fâcheuse tendance à surjouer le stress) lui avait indiqué le vestiaire (avec le costume du précédent père noël, vous comprenez, il va falloir l’arranger pour qu’il vous aille, on n’avait pas prévu ça, alors bon courage et faites vite) et la place qu’il était censé occupé une fois revêtu de ce costume ridicule qui ne faisait plus rêver les enfants qui souhaitaient des X BOX 360 et des Playstation 3.
Son rôle avait l’air relativement facile : il devait s’asseoir (bon dieu, enfin un boulot où je serais assis, ça va me changer de ces putains de chocolats), attendre que les enfants viennent à lui, leur demander ce qu’ils voulaient pour Noël, et leur dire d’une voix ravie qu’il leur apporterait ces cadeaux. C’est ce que lui avait sommairement expliqué la vieille de la caisse centrale, et le boulot avait donc l’air facile, mais plutôt chiant avec le bruit des gosses criant devant le père noël (mais t’es pas le vrai, y’en a un aussi dehors – Mais si je suis le vrai, celui dehors c’est un sosie) et surtout, le bruit de la radio diffusant des spots à la con à base de Jingle Bells et de Mon beau sapin, invitant les clients à faire le plein de foie gras Madrange en promo pour les fêtes à 9,90 € le kilo, pour ce prix-là, ce serait dommage de s’en priver, et n’oubliez pas la carte de paiement de l’enseigne, vous achetez maintenant et vous ne commencerez à payer que dans trois mois.
Il avait donc commencé 14 jours avant, et se préparait à effectuer son dernier jour (oui, le 25, le père noël, on l’oublie). Il avait déjà effectué pas mal de boulots de merde, mais celui-ci était plus épuisant que les autres. En plus des journées de 12 heures, il devait supporter ce qu’il s’était juré de ne jamais supporter : les cris des gosses.
A suivre…