L'étoile filante (partie 1 sur 3)
D’abord il y avait la forêt. Une immense forêt. Une forêt de hêtres peut-être, ou une forêt de sapins, mais ce n’était même pas sûr. Ce qui était certain, c’est que cette forêt s’étendait sur une surface considérable.
Ensuite, il y avait quelques maisons, posées là on ne sait trop pourquoi, en lisière de cette forêt, une dizaine de maisons peuplées de gens pas spécialement misérables, plutôt pauvres en fait. Des gens simples qui vivaient de bois, de chasse et des maigres cultures que la terre sèche et froide voulait bien engendrer. Parmi ces gens, Piotr, 5 ans, Bogdana sa mère et Miroslav son père, un bûcheron affligé d’un pied bot, ce qui le rendait non mobilisable et qui avait permit qu’il resta parmi les siens.
Encore après, il y avait un petit chemin de terre, qui serpentait le long de ces habitations ; et de l’autre côté de ce petit chemin de terre, le grillage.
Un immense grillage. Au moins trois mètres de haut. Un grillage électrifié, avec, tous les 10 mètres environ, une immense tour dans laquelle se trouvait un soldat en armes, chargé de s’assurer que personne ne tente de s’approcher trop près, ou de s’évader. S’évader ? Oui, parce que le grillage délimitait un camp de concentration.
Dans ce camp de concentration, composé de baraques, d’un four crématoire, d’une chambre à gaz, de pauvres types au crâne rasé vêtus d’un pyjama décoré d’une étoile de couleur, de kapos (qui pensaient n’être pas des sous-hommes du seul fait que les surhommes leur aient confié un grade), de SS. Et surtout, au milieu de ce camp de concentration si atrocement semblable aux autres, on avait planté un sapin. Un sapin de noël. Comme à Auschwitz. Un petit camp de concentration qui avait tout d’un grand. Même le sapin, qui, avec ses décorations, narguait les prisonniers. Lors de l’installation, il avait fallu prendre des précautions extrêmes pour ne pas abîmer cet imbécile d’arbre, parce qu’il se murmurait que le Reichsführer-SS Himmler en personne allait venir visiter ce camp, perdu au milieu d’une forêt. Ainsi, ce sapin décoré se dressait majestueusement au milieu de la noirceur concentrationnaire. Et même Piotr, lorsque le soir tombait, demandait à sa mère quelle était cette chose qui brillait, après le petit chemin sur lequel il était interdit d’aller.
« C’est un sapin de noël, pour se rappeler du petit Jésus. Tu veux que je te raconte encore une fois la naissance du petit Jésus ? » Et Bogdana s’embarquait de nouveau dans l’histoire de la nativité, qu’elle agrémentait de détails nordiques afin de mieux faire comprendre cet évènement à Piotr. Qui finissait immanquablement par s’endormir, dès le récit parvenu à sa fin. Et jamais, au grand jamais, elle n’aurait avoué à son fils que ce qui se trouvait derrière le petit chemin, c’étaient des hommes, des hommes qui brûlaient quelquefois, des hommes qu’il ne fallait pas approcher, des hommes inférieurs. Non, elle tenait à préserver son enfant de ces détails qu’il aurait largement le temps de connaître. Elle préférait se concentrer sur le sapin et sur la naissance dans une crèche du petit Jésus.
A suivre…