Le millionaire de vingt heures (deuxième partie)

Publié le par Matthieu C.

Le lendemain de son retour au centre, comme tous les soirs, on s’est retrouvé assis devant ce con de jeu avec nos gobelet en plastique à la main. D’habitude, lorsque les candidats s’arrêtaient parce qu’ils ne connaissaient plus les réponses, le boulanger les connaissait encore. On ne l’avait jamais vu caler sur une question, et encore moins se tromper. C’était assez incroyable, ce type cradingue qui vivait dans la rue semblait tout connaître.

Pourtant, ce soir là, le candidat était bien parti. Il n’avait utilisé qu’un seul jocker (sur la question à 100.000 francs, une question à la con sur le vin) et on en était à 500.000 francs. Comme d’habitude, le boulanger semblait fasciné par le jeu, c’était même le seul moment où il ne fallait pas lui parler, lui qui était d’habitude incroyablement bavard...

 

“Question pour 500.000 francs: qui est l’inventeur du premier pneumatique en caoutchouc pour roue de véhicule:

A- John Boyd Dunlop                                                                           B-André Michelin

C- Charles Goodyear                                                                           D- André Citroën”

 

Le candidat bu un peu d’eau, et commença à réfléchir en éliminant la dernière réponse. Le boulanger fixait l’écran, et, d’une voix calme, nous annonça:

“Réponse A- John Boyd Dunlop”

Pour sa part, le candidat fit appel à un ami ingénieur, qui lui donna tout de suite la bonne réponse, la réponse A.

 

Le candidat se trouvait maintenant à la question valant 700.000 euros. A la télé, le jeu de lumières et la mine inquiète de Jean-Pierre Foucault, le présentateur, servaient à dramatiser l’ambiance.
Chez nous, ni jeu de lumière ni présentateur tendu, et malgré tout, un silence impressionnant.

 

“Question pour 700.000 francs: En quel année Médecins sans frontières reçoit le Prix Nobel de la paix ?

A- 1997                                                                                                               B- 1998

C- 1999                                                                                                               D- 2000”

 

Le boulanger réfléchit, ou semblait réfléchir, pendant que le candidat, un médecin, se concentrait sur le petit écran de contrôle placé devant lui; le boulanger fut pourtant le premier à répondre :

“Réponse C- 1999”, le candidat lui faisant écho une seconde plus tard.

 

A la télé, applaudissements à tout rompre, chz nous, silence impressionnant et impressionné. Seul Steeve, un jeune d’une trentaine d’années parla, pour demander au boulanger où est-ce qu’il avait appris tout ça. Le boulanger se tourna vers lui, le fixa pendant deux ou trois secondes, puis regarda de nouveau la télé, sans rien ajouter, pour entendre la

 

“Question à 1.000.000 de francs: dans l’antiquité grecque, comment appelait-on un chapeau à larges bords?
A- Une extase                                                                                              B- Un blase

C- Une topaze                                                                                              D- Un pétase”

 

Le candidat n’avait pas l’air de savoir, mais le boulanger non plus. Aucun des deux ne parlait, le silence du candidat faisant résonance avec celui du boulanger. Le candidat choisit de bouffer son dernier jocker, demandant l’avis du public, et, pendant le vote et la petite musique qui l’accompagnait, on a entendu le boulanger dire:

“Réponse D- Une pétase”... La même réponse que 62 % du public. Et que le candidat. La bonne réponse...

 

Honnêtement, je dois reconnaître que plus le jeu avançait, plus je me disais qu’il fallait arrêter cette putain de télé, que ça ne nous mènerait à rien de savoir qu’un clodo ferait un super candidat à un jeu à la con, et que si jamais le mec à la télé gagnait, et si le boulanger trouvait lui aussi la bonne réponse à l’ultime question, celle à 4.000.000 francs, l’un aurait 4.000.000 francs et l’autre irait sans doute mendier le lendemain, devant la porte centrale d’intermarché, là où les mamies ouvraient facilement leur porte monnaie.

[à suivre…]
 

Publié dans C'est pas drôle

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B
Pas tout à fait, Salomé. On doit comprendre à la fin ce qu'était le boulanger avant.
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S
C'est quoi le pire ? Le mec à la télé perd, le boulanger gagne, ils font tous une pétition pour qu'il obtienne les 4.000.000 francs et sa femme (du boulanger) revient et lui dépense tout ?
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B
Je crains le "pire" pour la fin de l'histoire...<br />
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M
Voui, c'est pas faux...
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